ACCOMPAGNEMENT DE PASSAGE
Accompagnement de passage
« J’ai toujours perçu mon chant
comme une offrande une complainte
pour chasser les mauvais esprits »
Zéno Bianu
Il y a quelques années il m’a été demandé plusieurs fois de suite de chanter au cours d’une cérémonie d’enterrement. Je n’avais jamais fait cela.
La première fois ce fut pour accompagner le départ d’un homme qui a joué un rôle très important dans ma vie, le leader d’une communauté où j’ai vécu longtemps, que j’ai quitté de façon dramatique. Un homme à qui j’avais dit un adieu plein de ressentiments de son vivant.
J’ai chanté une chanson qu’il aimait ; « Joli Mai ». Une chanson que chantait Yves Montand sur une mélodie russe. Je pouvais à peine articuler les mots de la première strophe tant j’étais suffoquée par les larmes. Pour la première fois je comprenais les mots de cette chanson que j’avais pourtant chantée tant de fois.
Tous sont venus me dire combien mon chant avait marqué cet événement de façon à amener une réconciliation en eux.
Le même mois un de mes musiciens perdit sa grand mère et me demanda si je pouvais chanter « La vie en rose » sa chanson préférée.
Ce n’était pas « ma » chanson préférée d’Edith Piaf mais ce jour là j’ai eu un plaisir immense à chanter pour cette femme que je ne connaissais pas, sinon à travers l’amour infini que son petit fils lui portait. Avec un ami violoncelliste nous en avons fait une version inoubliable et nous y avons rajouté des poèmes que j’ai mis en musique et quelques morceaux que les circonstances et les gens présents m’ont inspirés.
Peu de temps après, lors d’une session de formation à Paris un de mes enseignants à la méthode Feldenkrais mourut soudainement d’une crise cardiaque, juste la quarantaine passée. Ce fut un grand choc pour tous. La cérémonie fut une crémation précédée d’une cérémonie d’adieu dans une petite chapelle du père Lachaise. Sa compagne m’a demandé si je pouvais chanter quelque chose.
J’ai tout simplement improvisé sur la base de poésies, avec un tambour emprunté à une camarade de formation.
A chaque fois j’ai réalisé l’importance de la voix, du chant, qui permet à tous ceux présents de laisser vivre leurs émotions.
Un peu plus tard le mari d’une femme que j’avais vue quelques fois à mes cours m’apprend qu’elle est décédée d’un cancer et que sur son testament elle a demandé si je pouvais chanter une chanson de Françoise Hardy « Mon amie la rose » à son enterrement.
Je me suis demandée pourquoi à ce moment de ma vie, j’étais appelée à aider ce passage, à chaque fois un peu différemment Et pourquoi à chaque fois j’avais la sensation d’être vraiment au bon endroit, au bon moment, de jouer la note juste dans la symphonie de l’univers.
Depuis, la dernière fois que j’ai chanté à un enterrement, ce fut celui de mon père.
Peut-être que les autres occasions ont été des répétitions pour pouvoir chanter à ce moment là.
Depuis je me suis dit que j’accueillerai avec gratitude les occasions d’accompagner ces passages.